Animation, Super héros

[CRITIQUE] Spider-Man : Across The Spider-Verse de Joaquim Dos Santos, Kemp Powers et Justin Thompson

Le pitch : Après avoir retrouvé Gwen Stacy, Spider-Man, le sympathique héros originaire de Brooklyn, est catapulté à travers le Multivers, où il rencontre une équipe de Spider-Héros chargée d’en protéger l’existence. Mais lorsque les héros s’opposent sur la façon de gérer une nouvelle menace, Miles se retrouve confronté à eux et doit redéfinir ce que signifie être un héros afin de sauver les personnes qu’il aime le plus.

5 ans après le succès de Spider-Man : New Generation, Miles Morales et Gwen Stacy sont de retour dans une suite toujours écrite par Phil Lord et Chris Miller (Tempête de Boulettes Géantes, La Grande Aventure Lego, 21 et 22 Jump Street…), mais réalisée par un nouveau trio : Joaquim Dos Santos, Kemp Powers (Soul…) et Justin Thompson. Déjà annoncé avec un troisième film à la clé, Spider-Man : Across The Spider-Verse reprend quelques temps après la fin du dernier film, alors que nos deux héros ont repris le cours de leurs vies, chacun dans une dimension différente. Au cœur de ce film, se déploie un équilibre précaire : le désir d’appartenance et celui d’être compris est confronté à la nécessité de préserver un secret qui pourrait mettre en danger les siens. Aventure rime avec échappatoire, tandis que Miles et Gwen se lance dans une histoire qui va bouleverser leurs vies et les amener à affronter leurs peurs (et le revers de la médaille).

Le film utilise ses 2h20 pour narrer une histoire construite, prenant le temps d’installer ses bases autour de ses héros, au lieu de les jeter en pâture au coeur de l’action, comme aurait pu le faire un film live-action. Résultat, Spider-Man : Across The Spider-Verse rattrape le temps perdu et nous raccroche à ses personnages entre tumulte adolescent, besoin d’appartenance et la difficulté d’être compris par ses parents. Des thématiques fédératrices et accessibles qui permettent de facilement s’identifier au personnage – même sans être un super-héros en secret. Spider-Man étant toujours synonyme de passage à l’âge adulte (grandir, affronter ses traumas et assumer ses responsabilité…), le film parvient habilement à faire cohabiter l’humour et super-pouvoirs, sans oublier de tisser une toile de fond plus dramatique sur les conséquences de ses actes et choix, qui va prendre de plus en plus d’envergure au fur et à mesure que l’histoire avance. 

Comme dans Spider-Man : New Generation, le film offre une déferlante d’action et d’originalité étourdissante, notamment à chaque découverte d’une nouvelle version de Spider-Man (ou Woman) (ou autre…). Spider-Man : Across The Spider-Verse explore à merveille le potentiel d’un univers partagé en proposant des enjeux solides autour du Spider-verse et de sa stabilité. En effet, là où Spider-Man : No Way Home qui capitalisait majoritairement sur le fan service et le retrouvailles avec les films réalisés de Sam Raimi et de Marc Webb pour assurer le spectacle, Spider-Man : Across The Spider-Verse ne laisse pas ses surprises voler la vedette à ses héros. De plus, même en sachant qu’un troisième film est déjà en préparation, le film propose une histoire construite et aboutie, qui ne donne pas l’impression de n’être qu’un volet transitoire jusqu’à un climax aux allures de points de suspension.

Comme pour le film précédent, Spider-Man : Across The Spider-Verse est porté par sa direction artistique plurielle : frôlant la 3D coté Miles, plus proche de la 2D coté Gwen, avant de mixer les styles de dessins et d’animations pour coller à la diversité foisonnante du Spider-verse. Les univers se fondent à merveille alors que les réalisateurs osent une identité plus assumée, qui s’accentue plus ou moins discrètement selon les Spideys rencontrés dans le film. C’est cette cacophonie visuelle qui rend l’ensemble plus percutant et dynamique, osant des choix de couleurs et de contrastes qui proposent un rendu graphique souvent inattendu et originaux, quand ce ne sont pas les scénaristes qui distille une petite piqûre de rappel vers leur Grande Aventure Lego.

D’ailleurs, les surprises sont nombreuses au compteur : entre caméos et easter eggs, Spider-Man : Across The Spider-Verse fait plaisir aux fans de Spider-Man sans en faire trop, mélangeant les références (parfois pointues) aux comics, séries animées et aux films. La réalisation laisse filtrer une ambition démesurée, bien décidée à s’éloigner du format live-action, trop contraint par des futilités comme, voyons voir…, la gravité et les squelettes humains (!), pour laisser libre-court à son imaginaire. Du coup, on a vraiment l’impression de voir une itération des Spideys fidèle à la version papier, offrant des scènes d’action et de voltige affolantes et étourdissantes. 

Seulement voilà, comme pour le premier volet – et c’est un problème récurrent pour les suites de film qui ont cartonné (à la surprise générale, le plus souvent) – les réalisateurs reprennent à la lettre une recette qui marche. Le film va vite et raconte beaucoup, beaucoup de choses, à l’oral mais aussi à l’écrit avec des bulles comics qui apparaissent ça et là. D’un coté, le rappel des origines de Spider-man (les comic books, donc) est toujours satisfaisant, à travers des inserts de bulles et autres vignettes qui semblent toutes droit sorties de leurs pages ; de l’autre, et surtout si vous voyez le film en VO sous-titrée, cela rend la lecture un poil difficile, ce qui peut gâcher un chouilla le plaisir du spectateur. Et oui, un Spider-Man, c’est déjà bavard, alors plusieurs… c’est le bazar !

Autre revers de la médaille : la durée du film. Avec un peu plus de vingt minutes de plus que Spider-Man : New Generation, Spider-Man : Across The Spider-Verse se fait un peu long, notamment dans son dernier acte qui va s’étirer pour faire durer le suspens. C’est un peu le problème que j’ai avec ce film : j’ai aimé retrouvé ces super-héros en version animée et l’exploration démente du spider-verse (ainsi que toutes les références qui vont avec), mais en voulant faire mieux, les réalisateurs et scénaristes en font trop. Résultat, les rebondissements sont tout de même prévisibles et la mise en scène à tendance à gâcher le plaisir du spectateur qui devinera trop souvent ce qui se passe avant les personnages. 

Au casting vocal (et en VO), on retrouve les voix de Shameik Moore (Wu-Tang: An American Saga, The Get Down…) et Hailee Steinfeld (Hawkeye, Bumblebee, Arcane…) dans les rôles de Miles Morales et Gwen Stacy, ainsi que Jake Johnson (Stumptown, Jurassic World : Le Monde d’Après, La Momie…), Brian Tyree Henry (Bullet Train, Les Éternels, Godzilla vs Kong…) et Lauren Vélez (Swallow, American Nightmare 4…) reprennent respectivement les rôles Peter B. Parker et des parents de Miles. Parmi les petits nouveaux, on découvre Oscar Isaac (Moon Knight, Dune, La Famille Addams 2…) en Spider-man 2099, Issa Rae (Insecure, Little, The Hate U Give…) en Spider-Woman, Daniel Kaluuya (Nope, Queen and Slim, Les Veuves…) en Hobie « Spider-Punk » et Karan Soni (Deadpool 2, Superintelligence…) en Spider-Man India, tandis que Jason Schwartzmann (The French Dispatch, Mainstream…) est la voix de The Spot (La Tâche). Quelques surprises sont au rendez-vous, je n’en dis pas plus. 

En conclusion, Joaquim Dos Santos, Kemp Powers et Justin Thompson livrent une suite solide qui explore les thèmes de l’identité, de la famille et de la responsabilité. Avec un style graphique captivant et des scènes d’action époustouflantes, le film offre une expérience visuelle immersive. Cependant, il souffre d’un scénario chargé et d’une durée excessive, ce qui peut rendre certains moments prévisibles et étirés. Malgré ces défauts, Spider-Man: Across The Spider-Verse reste un film d’animation divertissant, qui ravira les fans de l’univers Spider-Man. À voir. 

PS : il n’y a pas de scène bonus dans le générique de fin, seulement l’annonce du titre du prochain film : Spider-Man : Beyond The Spider-Verse, prévu pour 2024. Oups, spoiler (non). 

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