
Le pitch : À Barbie Land, vous êtes un être parfait dans un monde parfait. Sauf si vous êtes en crise existentielle… ou si vous êtes Ken.
Un film sur Barbie ? On se demanderait presque pourquoi cette idée n’est pas arrivée plus tôt sur nos écrans, vu le nombre incroyable de films d’animation qui existe autour de la célèbre poupée mannequin. Et c’est pas faute d’avoir travaillé sur le sujet, car la marque Mattel avait déjà signé un partenariat avec Universal Pictures en 2009, qui n’a jamais abouti. Sony Picture s’empare du projet en 2014, avec Diablo Cody (Juno, Jennifer’s Body, Tully…) en script doctor, avant d’annoncer Amy Schumer dans le rôle principal (lol). Finalement l’actrice quitte le projet pour des « raisons de calendriers » (moui moui) et Anne Hathaway prend sa place. Sauf que rien ne se passe comme prévu et le projet traîne de la patte, Mattel finit par lancer sa propre branche Mattel Films en 2018 et c’est finalement Warner Bros qui récupère le bébé. C’est seulement en 2019, soit dix ans plus tard, que le projet se confirme, avec Margot Robbie dans le rôle titre, Greta Gerwig (Lady Bird, Les Filles du Docteur March…) à la réalisation et au scénario, co-écrit avec son mari Noah Baumbach (Marriage Story, White Noise, Mistress America…).

Un film Barbie, pourquoi pas ? Sachez que dans mon petit culte personnel, j’ai quelques marottes comme Angelina Jolie, Harley Quinn… et les Barbie que je collectionne ci et là. Du coup, l’idée m’emballe et le choix de l’actrice Margot Robbie semble tomber sous le sens. Seule ombre au tableau à vue de nez, c’est la réalisatrice, Greta Gerwig, que je considère comme une arriviste bruyante qui a su se placer, s’infiltrer dans la brèche post-#metoo et réseauter, via son mari, au bon moment. Si bien que quand il manque des femmes parmi les catégories Meilleur réalisation aux cérémonies prestigieuses, son nom est sur toutes les lèvres, malgré sa filmographie plutôt mince.
Mais soit, j’ai mis tout ça de coté et évité toutes les bandes annonces pour découvrir le film Barbie de la manière la plus vierge possible (même s’il était impossible d’ignorer le battage médiatique sur « Barbenheimer »).

Greta Gerwig livre avec son dernier film une comédie au parfum féministe qui oscille entre équilibre réussi et contradictions déroutantes. Dans le monde réel où les hommes semblent avoir une part prépondérante, elle tente de briser les schémas traditionnels à travers le regard innocent d’une Barbie classique qui découvre une réalité bien éloignée de ce qu’elle imaginait. Barbie mélange habilement la comédie et l’absurde, créant ainsi une atmosphère plaisante et parfois surréaliste qui brouille les frontières entre l’imaginaire et le réel, surfant sur un terrain déjà défriché par des films comme La Grande Aventure Lego ou encore Free Guy. Cependant, le film souffre de quelques longueurs et des trémolos finaux interminables qui nuisent à la fluidité de l’ensemble.

Sur la forme, le film est pêchu, ultra coloré et l’avalanche de rose bonbon, loin d’être vomitive, vient titiller l’enfant joueur tapis (ou pas) au fond de nous. Barbie donne le sourire dès les premières minutes et parvient à s’animer grâce à un humour bien dosé, le comique de situation et le décalage loufoque en juxtaposant le monde réel et Barbie Land. Barbie est truffé de bonnes idées et est porté par une énergie conquérante qui donne le sourire. Les clins d’oeil à la game de jouets sont hilarants et s’amuse avec leurs limitations (Ken Beach qui ne sait ni surfer, ni nager ou encore les poupées discontinuées de Mattel…). Barbie pique avec humour la société patriarcale et, s’ils ne le sont pas naturellement, les mecs fragiles en profitent pour devenir toxiques. Bon, rien de nouveau sur la lune et le storytelling du film ne parvient pas à pleinement exploiter ses idées.

En effet, sur le fond, Greta Gerwig use toute ses bonnes blagues et essaie de défendre un féminisme consensuel. Le résultat finit par s’enfoncer dans des discours stéréotypés sur le patriarcat et la charge mentale des femmes, manquant d’originalité et de profondeur. Comme souvent, la réalisatrice enfonce des portes ouvertes et pointe du doigt des évidences attendues pour un film Barbie, mais ne parvient pas à aller plus loin. En voulant se moquer du patriarcat, le film met finalement plus en avant ses protagonistes masculins, donnant la part belle aux Ken incarnés par Ryan Gosling et Simu Liu qui portent le film, s’offrant même un show musical pendant que les Barbie agissent dans l’ombre. Alors oui, le mythe veut que les femmes soient moins frontales et agissent plus intelligemment en sous-sol, mais ne s’agissait-il pas d’un film Barbie ? Pourquoi Ken est-il aussi mis en avant ? (Spoiler : pour faire un spin-off, évidemment)

Si l’objectif est qu’évidemment les Ken de Barbie Land sont à l’image des femmes dans le monde actuel, la transposition de cette allégorie à l’écran devient un peu trouble au fur à mesure que les Ken finissent par vampiriser le film (en le rendant même meilleur). Résultat, l’échange des rôles dessert plus qu’il ne sert les Barbie… et donc les femmes, par la même occasion, en prônant une forme de suprématie féminine. N’était-il pas question d’égalité des sexes / genres, à la base ?
Bref, Barbie se mélange les pinceaux dans son babillage diarrhéique : la place des femmes dans le monde, l’image controversée de la poupée mannequin et une dose bien grasse de wokisme poussif qui pourrait en faire grincer plus d’un. Bien que la comédie et la moquerie soient bien dosées et fonctionnent bien, Barbie aurait mérité davantage de profondeur et de subtilité, plutôt qu’un film Disney-like. Greta Gerwig surfe sur des thématiques en vogue et propose du féminisme barbapapa qui régurgite bien trop de banalités en 2023.

Au casting : Margot Robbie (Birds of Prey, Babylon, Amsterdam…) est évidemment rayonnante en Barbie, même si son personnage se fait un peu trop souvent voler la vedette. En effet, Ryan Gosling (The Gray Man, First Man, Blade Runner 2049…) est un choix aussi improbable que parfait, tant l’acteur est à contre-emploi dans un performance comique. Face à lui, Simu Liu (Shang-Chi et la Légende des Dix Anneaux…) est également un régal. Tout deux parviennent à rendre des personnages relativement crétins finalement attachants. America Ferrara (Ugly Betty, Dragons, WeCrashed…) et Ariana Greenblatt (65 – La Terre d’Avant…) ont la lourde tâche de représenter les femmes du monde réel, tandis que Will Ferrell (Eurovision Song Contest, Holmes & Watson, Légendes Vivantes…) joue les Lord Business 2.0, Rhea Perlman (Matilda, Star Wars: The Bad Batch…) passe faire un clin d’œil et Helen Mirren (Shazam! La Rage des Dieux, Catherine The Great…) prête sa voix en tant que narratrice.

À l’écran, beaucoup de visages connus et pas mal de diversités pour cocher toutes les bonnes cases : Issa Rae (Insecure, Spider-Man: Across The Spider-Verse…), Kate McKinnon (Scandale, SOS Fantômes…), Hari Nef (The Idol, Assassination Nation…), Alexandra Shipp (Love, Simon, Tick, Tick… Boom!…), Sharon Rooney (My Mad Fat Diary, Dumbo…), Kingsley Ben-Adir (Secret Invasion, Le Roi Arthur…), Nicola Coughlan (Derry Girls, Les Chroniques de Bridgerton…) Michael Cera (Gloria Bell, Manhattan Stories…), Scott (frère de Chris) Evans (The Rookie…), Jamie Demetriou (Cruella…), John Cena (Fast and Furious X, Peacemaker…) ou encore la chanteuse Dua Lipa et la réalisatrice Emerald Fennell (Promising Young Woman…) coté Barbie Land. Enfin, notons que la série Sex Education représente avec la présence d’Emma Mackey, Ncuti Gatwa et Connor Swindells dans un même film !

En conclusion, malgré quelques aspects positifs tels que l’équilibre entre comédie et absurde, le film de Greta Gerwig peine à pleinement convaincre en tant que manifeste féministe. Les contradictions dans la narration et les choix de mise en scène laissent planer un sentiment d’inachevé. Barbie est une comédie divertissante, certes, mais qui aurait pu creuser plus profondément ses thèmes pour avoir un impact plus marquant et intemporel. À voir.

